La Lumière est inconstante

La lumière est inconstante et l’atrabile du ciel se répand.

La nudité est assourdissante. Dans la rumeur blanche la plaie de l’arbre rompu cicatrise avec la salive du chien errant.

Sous la tonsure brûlée du ciel, les animaux rêvent-ils à la perte ?

La peur creuse ses galeries au bord d’un trou d’eau, avec l’animal inquiet tapi dans le corps.

Elle rêvasse au fond du lit les yeux mi-clos. Murmure ou chantonne. De la lumière d’hiver coule dans le couloir . Une petite ritournelle contre cette peur archaïque du loup dans l’homme. Elle ouvre les draps dans un grand geste.

Elle pense qu’elle va mourir un jour. Qu’il faut repousser la nuit profonde. Il pleut dehors ? Elle semble entendre le léger grésillement humide qui tombe sur le jardin, sur les arbres, sur l’herbe, sur les pierres, sur ses parties repliées. Dans la sueur du jardin.

Cette nuit, elle a rêvé que des chauves souris cherchaient la matière de ses cheveux. Aussi de l’embuscade du Fou au-dessus de l’océan. De la tiranie du coucou.

Elle se lève avec les yeux matinaux du crapeau et la bouche pleine du tapis de sa langue. Elle s’avance vers la chasuble entrouverte de la fenêtre, regarde dehors le jardin, rive son regard vers le haut : la bouche bée du ciel.

Il ne pleut peut-être pas dans le jardin silencieux. Rien n’est une certitude.
Elle a soudainement une crainte irrépressible. Et si un jour : des fusillades déferlantes sur toutes les ailes et les chants, comme des sacs renversés du ciel, une pluie d’assassinat d’oiseaux. Terrifiant.

Le cerisier est noir. Sous le soleil, il fait une grande ombre sur l’herbe. Sortir et s’allonger dans l’ombre du cerisier dans l’herbe froide. C’est doux, avec l’os du soleil de février.

C’est agréable, les pieds dans la rosée. La sève montante percent le sol. Enter sleep mode, la dormance est repoussée aux franges. Le printemps secoue ses jupes et parfume son linge.

Les pas sur la terre boueuse sous l’herbe détrempée fait un bruit d’entrecuisse. Elle est odorante. Il y a l’éclat sur les feuilles du cerisier. La lumière de la fin d’hiver déplie ses rayons x sur un paysage neuf.

Le temps de l’ouverture des douves est venu dans sa marche insolente. L’oiseau musculeux, sa flûte sur la rive.
Elle irait bien vivre en couple avec une grive musicienne.

Les fantômes boivent de l’eau douce.

Elle entend le grondement de ses os, comme ceux arthrosés des bêtes égarées qui cherchent la forêt toujours reculée, sans jamais l’atteindre.

Dans une solitude ouvragée comme une robe en os, en dentelles d’ivoire : reptation d’un silence angoissé.

Juliette Fontaine, poèmes, 2016

Image : Dessin, Darwin’s doubts, technique mixte, 2016