Vassilis Salpistis, Juliette Vivier et éditions atmen, curatrice Juliette Fontaine
Pandore est une maison d’édition qui propose des reproductions d’œuvres contemporaines, des essais sur l’art et des collections de poésie. Depuis janvier 2025, sa direction artistique est assurée par Juliette Fontaine et Thierry Fournier, artistes et curateurices.
En juin 2025, Pandore.Editions publie sous le commissariat de Juliette Fontaine, 15 reproductions de dessins inédits extraits du Journal dessiné 2024 de Vassilis Salpistis, 7 dessins de la série Atomic de Juliette Vivier et une sélection de quatre recueils de poésie des éditions atmen.
Notre groupe est formé de André Avril, Emmanuelle Bouyer, Juliette Fontaine, Thierry__Fournier et Emmanuel Simiand. Nos invité·es en 2024-2025 sont Franck Ancel, Damien Beyrouthy, Claire Chatelet, Jean Cristofol, Nicolas Millet et les éditions editions atmen, Vassiis Salpistis, Fanny Terno, Thomas Vauthier, Marianne Villière et Juliette Vivier.
https://pandore-editions.org/
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Vassilis Salpistis : 3 extraits de Journal, 2024
Un journal d’images
Cette série de dessins constitue un journal au sens strict car elle relève d’un geste quotidien, d’une relation presque intime, d’une sorte de rituel. Ce protocole scandé est également en résonance avec une recherche récurrente dans la pratique de l’artiste : l’expérimentation fructueuse d’un certain épuisement. Il se plie à cette respiration matinale, il s’incline à cette cadence répétée dans le mouvement du temps, à cette exigence quotidienne.
Cette série est un journal d’images, et non pas de mots griffonnés ou de phrases structurées. Tous les matins, Vassilis Salpistis fait un dessin dans un carnet dédié à cet exercice. Il tente alors de figurer l’image la plus prégnante du jour précédent, après une nuit de sommeil durant laquelle le cerveau a fait secrètement « sa cuisine » et l’inconscient son travail pusillanime de tissages complexes. Cette image de la veille est alimentée de sources très diverses : un mot, un dialogue avec une personne, une émotion, une sensation, un souvenir, une réminiscence du passé… Ainsi le dessin dévoile une image profitablement lacunaire, en partie imaginée ou fantasmée, creusée dans la matière mouvante de la mémoire. C’est comme un récit dans lequel des éléments autobiographiques se tisseraient à des ingrédients fictionnels, inextricablement mêlés ensemble, façonnant ainsi une langue sincère, généreusement humaine, audible par toutes et tous.
Aussi, la palette des techniques employée est large et riche. Comme une mémoire qui archive, elle s’est nourrie avec le temps. Cette fertilisation invite à des changements de « styles » du dessin, ces derniers élaborant un glissement, un pas de côté salutaire pour éviter l’enfermement de l’image. Un hors-champ. Au fur et à mesure de ce projet, le potentiel d’un fil narratif est apparu, le passage d’une page à l’autre s’est alourdi de sens, le cadrage de l’espace du dessin s’est écrit, chacun présupposant autant de passerelles possibles.
Texte écrit par Juliette Fontaine, 2025
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Juliette Vivier : 1 extrait de la série Atomic, 2016
Une poétique éruptive
A première vue, la série Atomic de Juliette Vivier pourrait évoquer le résultat d’une solide étude des nuages tant l’exploration semble attentive et délicate. Le geste de l’artiste est assidu, son dessin est minutieux et sensible. Pourtant nous sommes éloignés de l’observation autant cisélée qu’ardente des phénomènes atmosphériques par un John Constable ou un Eugène Boudin. En effet, il ne s’agit pas ici du spectacle des nuées célestes. Ce travail a pour point de départ, non pas les cumulo-nimbus et les rondeurs de leurs courbes, ni les cirrus et leurs traînes mélancoliques, mais la représentation de pyrocumulus, autrement dit de nuages formés par l’explosion d’une bombe atomique.
Retirés de toute lecture historique ou géographique, décontextualisés de leur situation dramatique de la destruction, ainsi que de leur teneur tragique de la guerre, ils deviennent autre chose. Ils convoquent l’imaginaire et ses prestiges en se « déréalisant ». Ils sont le produit d’un détournement d’images. Ainsi, chaque nuage se meut tantôt en un arbre feuillu, tantôt en une quintessence végétale, tantôt en un buisson quasi abstrait ou encore en les plis maniéristes d’un vêtement glonflé par le vent. Il est devenu une forme poétique en soi, presque onirique.
La qualité souvent médiocre des visuels glanés sur internet souscrit d’emblée à un écart, à un éloignement de l’image de départ. Parfois l’artiste a effacé des parties du champignon, permettant ainsi une réinterprétation ou une invention des formes. Conviant la magie enfantine des paréidolies consistant à déchiffrer des signes distincts dans le ciel et ses voilures ambigües, l’artiste révèle des formes familières dans des images confuses. Elle met de l’ordre dans le chaos.
De cette façon, les modélés sensuels de ces volutes enchevêtrées semblent dévoiler diverses strates de l’apparence. Ils dessinent des mondes ensevelis dans le visible, ici réapparaissants dans toute leur organicité. Dans la démarche de l’artiste, cette oeuvre chirurgienne de la perception est récurente.
Texte écrit par Juliette Fontaine, 2025
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Éditions atmen, 4 ouvrages diffusés par Pandore
Where rode the bird / Là où chevauchait l’oiseau – Emily Dickinson, 2021
La Déployée / Des pas sur Moà-Neige – Juliette Fontaine, 2022
Cent mille oiseaux – Moncef Ghachem, 2024
Maison de lumière – Nicolas Millet, 2022