Il y a la mer. Et même la nostalgie de la mer. Celle au bord de laquelle on jouait enfant. Puis, ce sont des bribes de films cousus ensemble par le bruit du vent, entre ciel et terre. Des instants fragiles comme les dessins d’un cerf-volant dans l’air. Et les incisions ponctuelles de la voix de Marguerite D., elle, stable et profondément ancrée. Aussi, une autre voix, celle d’un enfant, ou celle dans le rêve d’un enfant.
Que perçoit-elle ? Que suis-je dans son regard ? Que se passe-t-il quand le regard d’une bête croise celui d’un être humain ? Cette question multiple du regard nous rappelle incontestablement le partage du visible entre les créatures du monde: le monde est regardé par d’autres êtres que les hommes.
L’image est ralentie considérablement, alors que le son est à une vitesse normale mis en boucle jusqu’à la fin de la séquence, se décalant puis se recalant par rapport à l’image.
Cette vidéo a été projetée au centre Georges Pompidou en 2008. Ainsi que dans sa nouvelle version sonore dans le cadre du Festival AR(t]CHIPEL en 2025.
Les animaux sauvages, ces visiteurs du jardin à la lisière de la forêt apparaissent dans toute leur beauté intacte : chauve-souris, martres, chevreuils … Ils sont paisibles, ils semblent libres, comme aux temps où nous vivions avec les non-humaines dans une même « nappe phréatique sensible » (Le Versant animal, Jean-Christophe Bailly).
Un insecte nuiteux fouisse dans le sol d’un jardin, une rivière invisible roucoule dans une forêt, le dessin d’arbres couchés semblant évoquer la vision de l’invertébré accueille les pas alertes d’un renard furtif comme un yōkai, esprit de la forêt.
Herman Melville écrit dans Moby-Dick : « Il n’est aucune bête sur la terre dont la démence ne soit infiniment surpassée par celle de l’homme. » Dans les plis colorés d’un paysage aquatique, traversé par les réminiscences des Nymphéas de Monet, flotte le spectre d’une baleine. Dans une danse lente d’une grâce magnifique, elle demeure pourtant un inquiétant présage.
Le délice de ce jardin est une vue enchanteresse, paisible comme un tableau de Renoir. À l’instar d’Alice de Lewis Carroll, nous traversons le miroir, le paysage se bistre, bascule dans l’enfer : un ours de cirque divertit la cruauté des hommes.
Une luciole, le ballotement d’une ombre, la danse de méduses, le scintillement nocturne dans le feuillage d’un arbre. Cette trame narrative nous mène vers le visage des soeurs siamoises Hilton, fredonnant la mélancolie de leur cœur brisé par l’amour.
Dans la culture améridienne, le renard est une sentinelle éveilleuse dotée d’une conscience accrue du monde. À l’orée d’un bois, il apparaît ici fantomatique, réminiscence d’une ligature profonde avec la vie sauvage que nous avons perdue.